Lara Cuvelier, chargée de campagne chez Reclaim Finance : "A ceux qui se demandent si le secteur de la gestion d'actifs a changé sa manière d’investir en fonction de la science climatique et de la nécessité de mettre fin à l’expansion des énergies fossiles, la réponse est un "non" catégorique. Les plus gros gestionnaires d'actifs tournent autour du pot sans demander aux entreprises d'arrêter d'aggraver la situation. Soyons clairs : forer un nouveau puits de pétrole ou ouvrir une nouvelle mine de charbon n'est pas une chose normale à faire en situation de catastrophe climatique. BlackRock incarne le mieux l'hypocrisie du secteur : tout en s’étant engagé à réduire ses émissions, il continue d'investir dans des entreprises comme Glencore, qui a des plans d’expansion massifs dans le charbon."
Lara Cuvelier, chargée de campagne à Reclaim Finance, a déclaré : "Cela confirme que le débat "désinvestir vs engager" est un leurre. Les gestionnaires d'actifs n'engagent pas les entreprises sur les questions climatiques clés pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Il est également frappant de constater qu'ils envoient en fait le signal inverse, puisqu'ils continuent d'acheter de la dette aux entreprises responsables des pires projets d’énergies fossiles. Les gestionnaires d'actifs qui fournissent de l'argent frais à des entreprises qui ignorent la science climatique jettent purement et simplement de l'huile sur le feu."
Notes :
(1) Le rapport est intitulé "The asset managers fueling climate chaos" et est soutenu par les ONG urgewald, ReCommon et The Sunrise Project. Vous pouvez lire le rapport complet ici.
(2) La première édition de ce classement a été publiée en avril 2021. Elle se concentrait sur le charbon, le secteur qui nécessite la sortie la plus urgente. Un an après que l'Agence internationale de l'énergie a clairement indiqué que l'atteinte d’un objectif « net zero » signifiait également l'absence de nouveaux projets de production de pétrole et de gaz, cette deuxième édition se penche également sur le secteur du pétrole et du gaz.
(3) Selon les bases de données publiques Global Coal Exit List (GCEL) et Global Oil & Gas Exit List (GOGEL) qui identifient les entreprises opérant sur l'ensemble de la chaîne de valeur du charbon, du pétrole et du gaz, y compris les plus grands expansionnistes des énergies fossiles (c'est-à-dire les entreprises qui continuent d'explorer et de développer de nouvelles réserves, de construire de nouveaux oléoducs et gazoducs, ou de construire de nouvelles usines de charbon).
(4) 12 grandes majors pétrolières et gazières qui figurent parmi les plus grands développeurs à court terme de pétrole et du gaz, selon la GOGEL. Ces entreprises sont : TotalEnergies, Eni, Equinor, BP, Shell, Repsol, Exxon, Chevron, Gazprom, Saudi Aramco, Petrobras et ConocoPhillips. Leurs plans d'expansion à court terme combinés s'élèvent à 68761 millions de MMboe.
(5) 13 avaient une politique charbon au moment de la publication de la 1ère édition de ce classement (avril 2021).
(6) Ceci intervient deux semaines seulement après la publication du rapport du GIEC et l'appel du Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, pour que les investisseurs ayant des engagements nets zéro adoptent " des plans complets, sans exceptions ni lacunes, et avec des actions " pour éliminer progressivement le charbon.
(7) Ostrum a une politique qui exclut indirectement les entreprises dont les plans d'expansion représentent au moins 50 % de toutes les ressources en cours de développement (selon la GOGEL).
(8) Les politiques de ces gestionnaires d’actifs sont analysées en détail dans le Oil and Gas Policy Tracker (https://oilgaspolicytracker.org/).
(9) Les politiques de Generali Insurance Asset Management et d'Aegon AM introduisent des exceptions non définies à leurs critères sur l'expansion du charbon. Pour M&G Investments, si les exceptions sont mieux définies, le calendrier d'exclusion est trop tardif (le désinvestissement "commencera à partir de mars 2024 pour les émetteurs hors UE/OCDE").
(10) Par exemple, le plus grand gestionnaire d'actifs européen, Amundi, a une politique robuste de sortie du charbon pour sa gestion active, mais n'applique cette politique qu'à moins de 40 % de ses actifs gérés "passivement".
(11) Un seul gestionnaire d'actifs (AXA IM) est sur le point de publier des cibles de décarbonation qui couvriront 100 % de ses actifs éligibles. Néanmoins, comme pour de nombreux autres gestionnaires d'actifs, les cibles ne couvriront que les émissions de scope 1 et 2, ce qui souligne l'importance de les combiner avec des politiques ciblées sur les secteurs à forte intensité carbone.
(12) On observe une tendance croissante au sein de la communauté des investisseurs à condamner l'exclusion et le désinvestissement comme des outils à la fois irréalistes et inefficaces pour décarboniser l'économie, de nombreux investisseurs privilégiant l'approche "rester plutôt que vendre" pour influencer les entreprises. Le rapport défend le point de vue selon lequel opposer l'engagement et l'exclusion comme des pratiques diamétralement opposées est au mieux une erreur et au pire une stratégie délibérée pour éviter l'exclusion, en particulier compte tenu de la faiblesse des activités d'engagement des entreprises évaluées.
(13) Seuls deux gestionnaires d'actifs, LGIM et Schroders, associent clairement cette demande à un délai de mise en conformité et à un processus d'escalade. Alors que sept d’entre eux mentionnent les sanctions par le vote comme une possibilité pour les entreprises ne respectant pas cette demande, aucun ne décrit un vote systématique contre l’ensemble des administrateurs.
(14) Plusieurs entreprises vont consulter leurs actionnaires sur leur plan climat cette année, dont 5 des 6 grandes entreprises pétro-gazières européennes. Parmi elles, TotalEnergies (plus de détails sur la faiblesse de son plan climat ici), qui fait également face à deux résolutions climatiques de la part de ses investisseurs.